La COP 19, dans l’œil du typhon Haiyan …
En marge de l’ouverture de la 19ème conférence des Nations-Unies sur le climat, l’ombre du Typhon Haiyan rode à Varsovie. Le super-typhon Haiyan, annoncé comme le plus violent au monde cette année, a frappé les Philippines le vendredi 08 novembre. Même si aucun bilan définitif n'est pour l'instant disponible, les vents à plus de 300 km/h et la succession de vagues géantes auraient fait plus de 10 000 morts dans la seule ville de Tacloban, la ville la plus touchée par la catastrophe. Un bilan largement sous-estimé: le cyclone a balayé l'archipel sur plus de 600 kilomètres et plusieurs régions font état de centaines de morts.
C’est donc à travers l’œil du typhon que se déroule depuis le lundi 11 novembre la 19ème Conférence des Nations-Unies sur le réchauffement climatique.
"Nous nous rassemblons aujourd'hui avec, sur nos épaules, le poids de nombreuses réalités qui donnent à réfléchir" (...) comme "l'impact dévastateur du typhon Haiyan" , a déclaré la responsable climat de l'ONU, Christiana Figueres, devant les délégations du monde entier.
"Les prochaines générations vont devoir mener une bataille immense", et "ce qui se joue ici dans ce stade n'est pas un jeu", a-t-elle lancé, faisant référence au stade de Varsovie où se déroule ce round de négociations jusqu'au 22 novembre.
"Il n'y a pas deux équipes, mais l'intégralité de l'humanité. Il n'y a ni gagnant, ni perdant. Nous allons tous gagner, ou tous perdre", a-t-elle ajouté.
La déléguée des Philippines, Alicia Ilaga, a rappelé de son côté que lors de la précédente conférence de l'ONU sur le climat, fin 2012 à Doha, son pays avait déjà été frappé par un typhon de catégorie 5, Bopha.
"Et maintenant, nous sommes à Varsovie. Il fait sombre, froid, et triste pas seulement à Varsovie, mais aussi dans mon pays (...) Que pouvons-nous demander de plus à cette conférence que de faire progresser ces négociations et transformer les promesses en action?", a-t-elle demandé lors d'une conférence de presse.
Se déroulant à Varsovie, du 11 novembre au 22 novembre 2013, la 19e Conférence des parties (COP19) à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, est la première des trois conférences qui doit conduire à l’adoption d’un nouvel accord international de lutte contre le changement climatique en 2015. Varsovie lance donc deux années de négociations qui doivent déboucher en 2015, à Paris, à un accord global, ambitieux et légalement contraignant de réduction de gaz à effet de serre (GES), à l'origine du réchauffement, qui entrerait en vigueur à partir de 2020.
La communauté internationale s'est fixée comme objectif de limiter le réchauffement à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Or, si rien n'est fait, la température pourrait encore croître de près de 5°C d'ici à la fin du siècle, et les événements extrêmes se multiplier, ont rappelé en septembre les experts du climat du Giec.
Le lien entre cyclones et changement climatique est un point âprement discuté entre climatologues, mais ils s'attendent quand même à des événements de plus en plus violents liés au réchauffement de la température des océans.
Pour l'heure, le seul texte limitant les GES est le protocole de Kyoto, mais il ne concerne que les pays industrialisés, à l'exception notable des Etats-Unis qui ne l'ont jamais ratifié, et ne couvre désormais que 15% des émissions totales.
Le prochain accord, qui prendrait le relais du protocole de Kyoto en 2020, doit concerner également les Etats-Unis, et les grands pays émergents dont la Chine, premier pollueur au monde.
Les discussions s'annoncent très tendues sur le niveau de contrainte légale du texte ou encore les engagements que devront prendre les économies émergentes qui brandissent leur droit au développement et la responsabilité des pays industrialisés dans le réchauffement.
Christiana Figueres a appelé les délégations à "clarifier les éléments du nouvel accord qui modèlera les agendas climatiques, économiques et de développement après 2020", et également à progresser sur le dossier de l'aide financière pour aider les pays du sud à s'adapter au changement climatique.
Les pays du Nord ont promis 100 milliards de dollars d'aide par an d'ici à 2020, or les pays du Sud ne voient rien venir et craignent qu'il ne s'agisse que de promesses creuses.
En cours de la deuxième semaine de négociations, les délégations seront rejointes par les ministres des pays représentés pour s'entendre sur un texte qui sera adopté au terme de cette conférence.
Les finalités de la Conférence de Varsovie seront doubles, puisqu’elle doit permettre de :
1. Contribuer à renforcer la mise en œuvre des actions décidées lors des négociations précédentes (Cancun, Durban et Doha), notamment sur la question des financements pour la lutte contre le changement climatique, mais aussi l’adaptation et le transfert de technologie.
2. Définir la feuille de route permettant de construire l’accord de 2015, notamment en lançant le processus de préparation des engagements que les pays prendront en 2015 pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
- Une conférence pour assurer des progrès dans la mise en œuvre des décisions antérieures :
Au cours de ces deux semaines, les travaux se concentreront sur la mise en œuvre des décisions adoptées précédemment. Il s'agit de faire vivre les institutions existantes, en particulier le Fonds vert ou le comité d'adaptation, de s'assurer du bon fonctionnement du système de suivi et de contrôle des engagements et actions (« MRV ») et de faire avancer plusieurs sujets clés tels que l'agriculture ou encore la création d'un nouveau mécanisme de marché.
→ Le financement :
Historique : À Copenhague puis à Cancun, les pays industrialisés se sont engagés à mobiliser 30 milliards de dollars par an pour aider les pays les plus vulnérables à lutter contre le changement climatique entre 2010 et 2012. Ils se sont par ailleurs engagés à mobiliser en 2020 100 milliards de dollars publics et privés, ainsi qu’à mettre en place un nouveau fonds pour le climat : le Fonds Vert.
L’un des enjeux importants pour avancer vers la conclusion d’un accord en 2015 est celui de l’engagement des pays développés à mobiliser 100 milliards de dollars par an -de diverses sources : publiques et privées, bilatérales et multilatérales, et de sources innovantes- en contrepartie de mesures concrètes d’atténuation et d’une mise en œuvre transparente par les pays en développement. Ces derniers attendent des négociations de Varsovie la démonstration que les engagements pris seront tenus, demandant pour certains l’adoption d’objectifs intermédiaires. La COP19 à Varsovie devra y contribuer, en amont du sommet sur le climat en septembre 2014 qu’organisera le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. Les récentes décisions prisent à Paris lors de la réunion du bureau du Fonds Vert laissent espérer que celui-ci pourrait devenir opérationnel en 2014.
La tenue d’un dialogue de haut niveau à Varsovie sur les financements climat sera une occasion de promouvoir les axes stratégiques portés par la France ainsi que de faire le point sur les efforts entrepris par les pays développés concernant la mobilisation de sources de financement.
→ L’adaptation et les pertes et dommages :
Historique : En 2010 à Cancun, l’adaptation a été réaffirmée comme un défi majeur, auquel devront faire face tous les pays, avec un soutien financer et technologique pour les pays les plus vulnérables. Un cadre pour l’adaptation a été créé sous la Convention avec un Comité d’adaptation chargé d’améliorer la définition, la mise en œuvre et le financement d’actions et de plans d’adaptation dans les pays. À Doha, les pays ont décidé de lancer un programme de travail sur les « pertes et dommages », afin que les pays les plus vulnérables bénéficient d’une protection accrue face aux impacts causés par les événements climatiques extrêmes.
La COP19 à Varsovie devra approfondir et consolider les travaux d'adaptation tant dans le domaine scientifique et technique, que dans la poursuite des efforts pour soutenir la planification de l'adaptation dans les pays en développement. Sur le volet institutionnel, il s'agira surtout de poursuivre les travaux du comité d'adaptation et du groupe d'experts pour les pays les moins avancés. Enfin sur le thème des pertes et dommages, les travaux porteront notamment sur les préventions des risques, et la mobilisation des acteurs intervenant dans l’urgence et l’humanitaire.
- Une conférence pour structurer les travaux d’ici à 2015 :
Résultat d'un compromis largement porté par l'Union européenne et la France à la Conférence climat de Durban, la plate-forme de Durban a pour principal objectif de parvenir en 2015 à un accord applicable à tous les pays, entrant en vigueur au plus tard en 2020 et prenant la forme d' « un protocole, un autre instrument juridique ou un résultat agréé ayant force de loi en vertu de la Convention applicable à toutes les parties ».
En 2012 et 2013, les travaux de la plate-forme de Durban se sont déroulés dans une atmosphère constructive. Mais les discussions sont restées dans une phase conceptuelle de débats et d’échanges, sans que ne s’engagent de négociations formelles. Lors de la session intermédiaire de négociation qui s’est tenue à Bonn en juin 2013, les parties ont esquissé un consensus sur le fait qu’une entrée en négociation plus opérationnelle et structurée serait décidée à Varsovie. En effet, un des mandats de cette plate-forme consiste à préparer les premiers éléments d’un texte pour la COP20 en Amérique du Sud fin 2014.
Ainsi, la « plate-forme de Durban » doit déterminer à Varsovie les questions clés de négociation, et notamment inciter les pays à préparer de manière concrète les engagements chiffrés qu’ils pourraient mettre sur la table pour la conférence de 2015.
- Une conférence pour préparer le débat en 2014 sur l’ambition :
Pour se concentrer en 2014 sur l’ambition, c’est-à-dire la préparation des engagements chiffrés de réduction de gaz à effet de serre, la France et l’Union européenne souhaitent qu’un travail interne à chaque État débute sans tarder, dans le respect des règles nationales. L’objectif poursuivi est que chaque État soit en mesure de prendre des engagements forts et ambitieux en 2015. Pour sa part, la France souhaite que l’Union européenne s’engage collectivement à réduire ses émissions de 40 % en 2030 par rapport à 1990.
Les conclusions du Conseil environnement du 14 octobre 2013 envoient un message fort sur la nécessaire préparation des pays en vue de la formulation de propositions d’engagements nationaux en amont de 2015, et de leur analyse.