La sûreté
nucléaire passe par des efforts accrus de la part des exploitants…
Même si l’ASN, Autorité de Sûreté Nucléaire, dresse un bilan sur la sûreté nucléaire et de la radioprotection globalement assez satisfaisant en France, elle souligne la nécessité d’entreprendre
des efforts accrus en matière de sûreté nucléaire et de la radioprotection de la part des exploitants.
En effet, l’ASN constate en 2012 à un nombre d’anomalies de matériels liées à la maintenance en augmentation en 2012. En 2012 ont été déclarés à l’ASN :
– 1 170 événements significatifs concernant la sûreté nucléaire, la radioprotection et l’environnement pour les INB ; 1 032 de ces événements sont classés sur l’échelle INES (920 événements de niveau 0, 110 événements de niveau 1 et 2 événements de niveau 2). Parmi les événements déclarés, 32 ont été classés comme des « événements
génériques » dont 5 de niveau INES 1.
– 59 événements significatifs concernant le transport de substances radioactives, (52 événements de niveau 0, 6 événements de niveau 1 et 1 événement de niveau 2).
– 593 événements significatifs, dont 152 classés sur l’échelle INES, concernant la radioprotection pour le nucléaire de proximité ; on dénombre 118 événements de niveau 0, 33 événements de niveau
1 et 1 événement de niveau 2.
Par rapport à l’année 2011, on observe une augmentation du nombre d’événements significatifs déclarés pour les INB (+ 7 %) et dans le nucléaire de proximité (+ 11 %) ; pour les transports de
substances radioactives, le nombre d’événements a doublé en 2012 par rapport à 2011 après une diminution de 50 % en 2011 par rapport à 2010.
De plus, l’ASN encourage les exploitants à la déclaration des incidents, qui contribue à la transparence et au partage d’expérience.
Ayant relaté en mars dernier, les 5 centrales à fermer selon Greenpeace, le rapport de l'ASN a établi une évaluation par centrale :
Belleville-sur-Loire
Le site doit engager une démarche de progrès dans la gestion des essais périodiques.
L’ASN considère que l’organisation de la radioprotection est globalement satisfaisante malgré la persistance d’écarts constatés en inspections.
Concernant l’impact des installations sur l’environnement, l’ASN note que les performances du site demeurent en retrait malgré les actions engagées ces dernières années. L’ASN a notamment
constaté un manque de rigueur dans l’exploitation des installations d’entreposage de déchets conventionnels et potentiellement pathogènes.
Blayais
L’ASN considère que le site doit améliorer son suivi des prescriptions environnementales ainsi que sa communication vers les pouvoirs publics lors d’événements susceptibles d’affecter
l’environnement. Si l’organisation de la radioprotection est robuste, l’ASN note quelques écarts dans la maîtrise des opérations de gammagraphie et dans la gestion des accès dans des zones où le
débit de dose est élevé.
Bugey
L’ASN a précisé que le site du Bugey présente des faiblesses récurrentes concernant la préparation et la réalisation d’essais périodiques ou de certaines activités de maintenance. L’ASN a noté
des faiblesses du site du Bugey pour respecter rigoureusement les règles de radioprotection en matière d’accès aux zones spécialement réglementées au titre de la protection des travailleurs
contre les rayonnements ionisants (zones « orange » ou « rouge »).
Enfin et surtout, l’ASN a notifié que depuis mi-octobre 2012, le site du Bugey a détecté une présence anormale de tritium dans les eaux souterraines situées au droit du site.
Cattenom
Toutefois, l’ASN considère que le site doit progresser dans la gestion des aléas et la préparation des interventions, notamment sur la communication entre les différents acteurs.
Au mois de février 2012, l’ASN a classé au niveau 2 de l’échelle INES un écart affectant le système de refroidissement des piscines de combustible usé des réacteurs 2 et 3.
Le site reste en retrait par rapport au reste du parc en matière de radioprotection des travailleurs : la propreté radiologique est bonne, mais certains comportements sur le terrain sont
perfectibles.
Chinon
L’ASN considère que les performances de la centrale nucléaire de Chinon en matière de sûreté nucléaire demeurent en retrait par rapport à l’appréciation générale portée sur EDF.
Les performances de la centrale de Chinon en matière d’environnement, l’ASN considère que le site est en retrait. La qualité et la réactivité des analyses apportées aux écarts dans ce domaine se
sont dégradées en 2012.
Chooz
Le site de Chooz devra notamment progresser dans la préparation des activités et la qualité des analyses de risques rédigées préalablement aux interventions et porter une attention particulière à
la maintenance des matériels contribuant à la protection de l’environnement.
L’ASN considère enfin que le site de Chooz a régressé en matière de rigueur d’exploitation et note une recrudescence d’erreurs de lignage des installations et de planification des essais
périodiques.
Civaux
L’ASN considère que les performances en matière de sûreté nucléaire et de protection de l’environnement sont en retrait.
L’ASN a constaté au cours de l’année 2012 des défauts d’application des règles de conduite des réacteurs ainsi que plusieurs lacunes dans le traitement de dossiers de maintenance. L’ASN estime
que le site doit démontrer plus de rigueur dans la préparation et la réalisation des opérations d’exploitation et de maintenance et que la surveillance de ces activités doit être améliorée.
L’ASN estime que le site doit assurer un suivi plus rigoureux des matériels qui contribuent à la protection et à la surveillance de l’environnement.
Cruas-Meysse
L’ASN considère que les performances en matière de sûreté nucléaire du site de Cruas-Meysse sont globalement en retrait par rapport à l’appréciation générale des performances que l’ASN porte sur
EDF. L’ASN note en particulier un manque de maîtrise des opérations de maintenance et d’exploitation pendant les phases d’arrêt de réacteur. L’ASN relève en outre que le redémarrage du réacteur 4
a été marqué par la déclaration de sept événements significatifs pour la sûreté dont trois ont été classés au niveau 1 de l’échelle INES, mettant en lumière des insuffisances dans les activités
de lignage et de mise en configuration des circuits.
L’ASN a relevé six événements significatifs pour la radioprotection qui lui ont été déclarés en 2012 sont attribuables à des écarts aux règles de gestion du zonage radiologique.
En matière de protection de l’environnement, l’ASN constate en 2012 que le site de Cruas-Meysse présente toujours des faiblesses comme le montre le déversement, le 31 octobre 2012, de quelques
litres d’huile non contaminée dans le Rhône.
En matière d’hygiène et de sécurité au travail, l’ASN relève que pour la deuxième année consécutive, les résultats du site de Cruas-Meysse en 2012 ne sont pas satisfaisants.
Enfin, de manière générale, l’ASN considère que la gestion des compétences sur le site de Cruas-Meysse doit être améliorée afin de garantir que les formations habilitantes, comprenant en
particulier les recyclages, soient réalisées conformément aux référentiels en vigueur sur le site.
Dampierre-en-Burly
L’ASN considère que la gestion des moyens matériels appelés dans les phases de conduite incidentelle ou accidentelle doit être significativement améliorée.
Fessenheim
L’ASN considère que le site de Fessenheim se distingue notamment en matière de maintenance préventive lors des arrêts, et fait preuve d’une réactivité importante pour intégrer les exigences
règlementaires, grâce au travail du site et à l’appui des services centraux. La réalisation des travaux liés à la poursuite d’exploitation du réacteur 1, dans les délais imposés par l’ASN, permet
d’améliorer le niveau de sûreté de l’installation. Néanmoins, le site doit encore progresser sur les analyses de risques en amont des interventions.
Si le site est dans la moyenne du parc en matière de protection de l’environnement, il reste toujours en retrait sur la radioprotection des travailleurs. De nombreux écarts sont toujours
constatés et dénotent un manque de culture radioprotection des intervenants. Un plan de redressement a été mis en place et son efficacité sera contrôlée de près par l’ASN.
Flamanville
Toutefois, au regard du contrôle qu’elle a effectué lors de l’arrêt du réacteur 1 et de plusieurs événements significatifs déclarés en 2012, l’ASN considère que le site de Flamanville doit
progresser dans la préparation, la réalisation et le contrôle des activités de maintenance. Le site doit, en outre, renforcer les pratiques de fiabilisation lors de la réalisation des
interventions dans les installations.
L’ASN note que plusieurs événements significatifs en radioprotection doivent conduire le site à rehausser le niveau de culture de radioprotection des agents intervenants en zone contrôlée.
Golfech
L’ASN estime que le site doit améliorer la surveillance exercée sur ses prestataires lors des opérations de maintenance, plusieurs écarts ayant été détectés tardivement.
L’ASN considère que le site n’est pas suffisamment réactif dans le traitement des événements pouvant avoir un impact sur l’environnement.
Gravelines
L’ASN estime que le site doit progresser dans la rigueur d’exploitation, l’analyse des événements significatifs sûreté et la qualité des interventions de maintenance, à l’origine d’une
augmentation du nombre des événements significatifs pour la sûreté.
En 2012, EDF a poursuivi le programme des troisièmes visites décennales du site de Gravelines sur les réacteurs 1 et 3. L’ASN a examiné les résultats des contrôles effectués sur le réacteur 1
affecté d’une fissure sur une pénétration en fond de cuve du réacteur.
Nogent-sur-Seine
Comme l’année précédente, le site ne progresse plus sur la rigueur d’exploitation. L’année 2012 a été marquée par des erreurs en matière de lignage de circuits ainsi que par une surveillance
insuffisante lors du pilotage d’opérations d’exploitation spécifiques aux générateurs de vapeur. L’ASN estime que ce second point souligne la fragilité des moyens humains disponibles en salle de
commande.
L’ASN considère que les performances du site en matière de maintenance, et plus spécifiquement en matière de surveillance des prestataires, sont en retrait par rapport à l’appréciation générale
portée sur le parc d’EDF.
Paluel
L’ASN considère que les performances en matière de sûreté nucléaire sont en retrait par rapport à cette appréciation générale.
L’ASN constate que plusieurs événements significatifs déclarés par le site, dont une grande majorité en phase de redémarrage d’un réacteur après arrêt pour maintenance, mettent en évidence des
insuffisances en matière de rigueur, de préparation des interventions ainsi que de contrôle et de surveillance des activités de maintenance.
L’ASN souligne la gestion difficile des trois arrêts de réacteurs, marquées par de nombreux aléas techniques sur des matériels importants pour la sûreté et qui ont nécessité des réparations
prolongées. Le site doit donc progresser dans ce domaine dans la perspective des prochaines visites décennales.
Penly
L’année a été marquée par l’incident survenu le 5 avril sur le réacteur 2 sur une motopompe de circulation du fluide primaire qui a conduit à anticiper et à prolonger l’arrêt programmé du
réacteur jusqu’au 3 août pour effectuer des opérations importantes de maintenance et de remise en conformité.
Saint-Alban
Le site de Saint-Alban doit améliorer la rigueur avec laquelle il exploite les équipements concourant à la protection de l’environnement.
Le site de Saint-Alban présente dans ce domaine des résultats contrastés : si les accès en zones spécialement réglementées pour la protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants
(zones « orange » et « rouges ») sont satisfaisants, la maîtrise de la contamination sur les chantiers lors des arrêts de réacteur doit être améliorée.
Saint-Laurent-des-Eaux
Des progrès restent attendus concernant la maîtrise de l’impact des prescriptions réglementaires encadrant les rejets et prélèvements du site et l’optimisation du traitement à la monochloramine.
Tricastin
L’ASN considère que les performances du site du Tricastin doivent être notablement améliorées pour ce qui concerne la réalisation des essais périodiques, des requalification des matériels après
intervention et, dans une moindre mesure, des lignages ainsi que des mises en configuration des circuits. En outre, l’ASN considère que le site du Tricastin se repose trop sur ses services
centraux d’ingénierie lorsqu’il présente des dossiers à l’ASN, sans assumer suffisamment la responsabilité d’exploitant qui est la sienne.
En matière de protection de l’environnement, l’ASN considère que les performances du site du Tricastin sont en retrait par rapport à l’appréciation générale que l’ASN porte sur EDF.
Ainsi, par décision n° 2012-DC-0264 du 13 mars 2012, l’ASN a mis en demeure le site du Tricastin de se conformer aux exigences encadrant les rejets dans l’environnement des effluents liquides et
gazeux à la suite d’un événement relatif au déversement d’eau déminéralisée conditionnée à la morpholine dans le réseau d’eau pluviale.
Enfin, l’ASN a imposé au site du Tricastin, par décision 2011-DC-0227 du 27 mai 2011, d’améliorer sa protection vis- à-vis du risque d’inondation en réalisant des travaux sur l’ouvrage
hydraulique de Donzère-Mondragon. Le 18 juin 2012, EDF a déposé un dossier de demande d’autorisation pour mettre en œuvre ces travaux. L’ASN note que ce dossier n’a pas été jugé recevable à ce
stade par les services de l’État en charge de son instruction dans un contexte où le calendrier de réalisation est particulièrement contraint.
Exposition du public : maîtriser les doses médicales
Deux types de situations préoccupent plus particulièrement l’ASN :
- les situations potentiellement accidentogènes dans les domaines de la radiothérapie, de la radiologie interventionnelle et de la radiographie industrielle ;
- les situations répétitives ou chroniques d’exposition aux rayonnements ionisants (domaine médical et radon).
En radiothérapie, les points de vigilance concernent les conditions de mise en service et de prise en main d’appareils innovants très complexes ainsi que le développement de nouvelles modalités
d’irradiation permettant notamment de délivrer des doses plus fortes et mieux ciblées sur la tumeur mais nécessitant encore plus de précautions.
La formation des professionnels de la radiologie interventionnelle à la radioprotection des patients doit être renforcée afin d’optimiser les doses délivrées aux patients et de minimiser les
risques de brûlures radiologiques.
En ce qui concerne les situations répétitives ou chroniques d’exposition, on constate une progression notable des doses dans le domaine de l’imagerie médicale à l’échelle mondiale, en particulier
dans les pays les plus industrialisés, notamment du fait de l’usage du scanner et du dépistage radiologique. Afin de maîtriser cette progression, l’application des principes de justification et
d’optimisation doit être renforcée. En particulier, le guide du bon usage des examens d’imagerie médicale, révisé et disponible sur Internet, sera promu auprès des médecins demandeurs d’examens.
Parallèlement, le parc des appareils d’IRM devra être développé pour que la substitution au scanner puisse être effective dans les indications spécifiques.
Toutes ces évolutions accroissent le besoin de physiciens médicaux en raison de leur rôle essentiel dans l’optimisation des techniques et l’assurance de la qualité mais aussi dans le
développement de la culture de radioprotection. Depuis plusieurs années, l’ASN souligne que leur nombre et leur place sont à renforcer, y compris en imagerie médicale où des besoins importants
sont à couvrir. La profession de physicien médical doit être reconnue, ce qui nécessite au plan réglementaire une clarification de ses responsabilités en matière de radioprotection et de sécurité
des soins.
Pour ce qui concerne les expositions à la radioactivité naturelle, le radon induit un risque de cancer du poumon après inhalation chronique. L’ASN participe à la mise en œuvre du plan national
d’actions 2011-2015 structuré autour de cinq grands axes, notamment la réduction de l’exposition dans l’habitat.
Enfin le phénomène de radiosensibilité individuelle, bien connu des radiothérapeutes et lié à des anomalies génétiques de la signalisation et de la réparation des lésions de l’ADN, pourrait
également se manifester à des doses plus faibles ; il concernerait environ 10 % de la population dont la sensibilité aux doses reçues serait multipliée par un facteur pouvant aller jusqu’à 5.
Gestion pérenne des déchets : débattre pour décider
Dans le domaine du contrôle de la gestion des déchets radioactifs, l’ASN, conjointement avec la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) dans le cadre d’un groupe de travail
pluraliste, a établi le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) pour la période 2013-2015, qui a été transmis au Parlement en décembre 2012. Le PNGMDR est un
élément essentiel de la gestion des déchets, puisqu’il vise à s’assurer de l’existence de filières de gestion sûres pour chaque catégorie de matières et de déchets radioactifs, à identifier les
besoins prévisibles d’installations d’entreposage et de stockage et à définir l’ensemble des actions à mener pour que ces besoins soient satisfaits le plus rapidement possible.
L’ASN souligne à cet égard l’importance du débat public relatif au projet de stockage en couche géologique profonde des déchets de haute ou de moyenne activité à vie longue programmé en 2013.
Cette échéance est une étape indispensable pour la mise en place d’une solution pérenne de gestion, dans le respect des objectifs de sûreté et du calendrier de la loi du 28 juin 2006 de programme
relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
Parallèlement, l’ASN continuera de travailler avec les Autorités de sûreté étrangères sur la sûreté d’un tel stockage, notamment pour les questions relatives à la réversibilité.