Pour faire face au travail illégal, l’inspection du travail se voit renforcer dans ses pouvoirs…
Présenté le 6 novembre en Conseil des ministres, le projet de réforme de l’inspection du travail doit permettre de mieux répondre aux défis d’un monde du travail en pleine mutation. Complexité croissante des situations de travail en raison des pratiques d’entreprises en réseau, extension du travail illégal notamment sous la forme de la prestation de service internationale illicite, développement de la précarité sous ses formes multiples, apparition de risques nouveaux liés aux nouvelles technologies ou aux organisations du travail, difficulté du dialogue social notamment dans les petites entreprises, persistance d’inégalités entre les femmes et les hommes au travail, etc…
Pour mieux répondre à ces défis, et permettre à l’inspection de remplir sa mission en toute indépendance avec le plus d’efficacité, une vaste concertation a été engagée depuis l’été 2012 par le ministre du travail au sein du ministère, avec l’encadrement, les agents et les représentants du personnel, ainsi qu’avec les acteurs sociaux.
Le projet qui en est issu renforce l’inspection du travail dans trois domaines :
- Ses compétences : alors qu’elle est composée aujourd’hui d’un tiers d’inspecteurs du travail (agents de catégorie A, disposant de pouvoirs étendus) et de deux tiers de contrôleurs du travail (agents de catégorie B, disposant de pouvoirs plus limités, n’intervenant que dans les entreprises de moins de 50 salariés), elle sera demain composée à 100 % d’inspecteurs du travail. Le plan de transformation d’environ 1400 emplois de contrôleurs en inspecteurs, avec une première étape de 540 engagée en 2013-2015, s’étalera sur une dizaine d’années.
- Ses pouvoirs : ils seront étendus par la loi, avec en particulier la possibilité pour l’inspecteur d’arrêter certains travaux dangereux pour les salariés et de déclencher des amendes administratives.
- Son organisation collective : elle doit évoluer, avec la création d’Unités de Contrôle de 8 à 12 agents de contrôle, pour renforcer l’efficacité grâce à une approche plus collective, tout en conservant l’ancrage territorial (la section) et la compétence générale sur l’ensemble du code du travail. L’inspection du travail continuera à exercer ses missions de contrôle et d’information auprès des salariés et des entreprises, comme elle le fait aujourd’hui. En complément, des unités agissant sur des périmètres plus larges et sur des thématiques spécifiques (comme le ) seront créées.
Des priorités nationales - en nombre limité pour être bien ciblées - seront fixées pour agir davantage ensemble sur des objectifs ciblés prioritaires, et faire ainsi reculer des risques et des dérives au bénéfice de tous, salariés comme entreprises.
L’enjeu est de développer une véritable politique du travail à travers des actions individuelles mais aussi des actions plus collectives menées par le système d’inspection sur le territoire et dans les entreprises, jusqu’au niveau national et même parfois européen.
Les partenaires sociaux seront davantage associés pour faire progresser l’application du droit du travail.
Ce projet de réforme, présenté par le ministre du Travail Michel Sapin, devra passer par la voie législative dans le cadre d'un projet de loi sur la formation professionnelle et la démocratie sociale, attendu début 2014.
A l'heure actuelle, les inspecteurs qui constatent des infractions ne peuvent que recourir à la voie pénale. Or, environ la moitié des procédures sont classées sans suite et celles qui aboutissent requièrent en moyenne deux ans. Le ministère souhaite donc que les agents puissent aussi imposer des sanctions financières et travaille avec le ministère de la Justice sur ce point. Il envisage également de recourir aux ordonnances pénales (procédures sans audience avec un juge au lieu de trois) pour accélérer les procédures.
Arrêts des chantiers :
Le projet de réforme vise également à élargir les pouvoirs des inspecteurs en matière de blocage de travaux. Aujourd'hui, seuls ceux dans le peuvent être interrompus lorsqu'il existe des risques de chutes de hauteur ou des risques chimiques et liés à l'amiante, ce qui donne lieu à entre 6.000 et 10.000 décisions par an. Le ministère souhaite étendre cette capacité à tous les secteurs d'activité et à certains risques comme les risques électriques ou les machines non conformes.
Lutte contre le travail illégal désignée comme l’une des priorités :
Dans le cadre de cette réforme, le ministère veut aussi limiter le nombre de priorités assignées aux agents (18 en 2013). Outre celles inhérentes à la fonction comme le respect du droit, il prévoit 3 axes principaux en 2014: lutte contre le travail illégal, questions de santé-sécurité et accompagnement des négociations assorties de pénalités, comme l'égalité homme-femme.
Le projet prévoit aussi de créer des sections spécialisées: une unité au niveau régional de 3 à 12 agents chargés de lutter contre le travail illégal, une cellule d'experts sur les risques chimiques et amiante dans les régions et une petite équipe d'une dizaine d'inspecteurs, sorte de "GIGN de l'inspection du travail", pour les opérations d'envergure nationale.
Selon les dernières données disponibles, la France compte 2.236 agents de contrôle pour surveiller 1,82 million d'entreprises, soit un agent pour un peu plus de 8.000 salariés. En 2012, les agents ont effectué plus de 260.000 interventions qui ont débouché sur quelque 7.000 procédures pénales.