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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 11:04

Herve-Gouil.gifRéapprendre à coopérer Abécédaire - Hervé GOUIL

Le milieu professionnel n’offre pas de contexte de sérénité, il apporte bien souvent un comportement maladif et de désappointement. Le rapport problématique au sein du secteur professionnel est complexe, ou les intérêts des uns suscitent la convoitise des autres.

Les enjeux boursiers et quelques grandes entreprises sont plus puissantes que les Etats, face à cette complexité, et la mutation perpétuelle du monde actuel, les visibilités sont pour le moins lisible et laisse d’importantes incompréhensions. Hervé Gouil suggère la coopération comme une issue essentielle pour recueillir les enrichissements en matière d’échanges économiques, sociaux et culturels plus satisfaisants.

« Et si l’on réapprenait à coopérer ? »

Créer une union, travailler ensemble et lutter contre la violence, le stress et les effets les plus néfastes de la structuration sociale et économique actuelle... et contribuer à l’essor de chaque individu, but d’une croissance enrichie, au sein d’une structure identifiée, économique, sociale..

Cet abécédaire est le fruit d’une synthèse de quinze années de travail sur la coopération, visant à éclairer les consciences sur ses différentes valeurs économiques, sociales, psychologiques et philosophiques.

Véritable source d’échanges pour des comportements de managements et d’agencements de projets constructifs et faisant part à une gestion des ressources plus humaines que celles actuelles du monde du travail.

Les annales proposées dans ce livre consentiront au lecteur une certaine sollicitation sur plusieurs réflexions autour de la coopération et de réaction sur sa propre capacité à coopérer, en découvrant progressivement les multiples issues présentées.

Véritable outil pour des individus qui souhaitent porter un nouveau regard sur les échanges socio-économiques, en faveur d’un développement de soi et d’autrui basé sur le respect, la loyauté et constructifs pour un apport favorable aux projets d’ouverture.

Ancien directeur de l’Union Régionale des SCOP de l’ouest, diplômé HEC, Hervé Gouil a crée le Cabinet de Développement Coopératif ANAKENA en août 2001. Membre fondateur de la coopérative TEAM ENTREPRENEUR, école inspirée de l’expérience finlandaise de TIIMIAKATEMIA, il forme, conseille et accompagne des dirigeants d’entreprises, des groupes de coopérateurs et d’acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire, désireux de « mieux faire ensemble ». Hervé Gouil souhaite que nous réapprenions à coopérer. Que nous passions « d'une proximité géographique et identitaire à une proximité de projet, d'une coopération élective/sélective à une coopération ouverte ». Il veut nous en convaincre de A, comme Axelrod (un mathématicien qui s'est employé à démontrer l'efficacité des stratégies coopératives), à Z, comme Zénon (le philosophe grec qui invitait à pratiquer une écoute "active"), en nous présentant théoriciens et praticiens de la coopération.

 

Réapprendre à coopérer

abécédaire

 

Editeur : Yves Michel


Collection : Société Civile


ISBN : 978 2 913492 85 1


Format : 12x22


Nb de page : 200

Prix : 13,00 €

 

EXTRAITS….

« axelrod L’efficacité du

« donnant/donnant »

Robert Axelrod, mathématicien et chercheur à l’Institut d’Études Politiques du Michigan est un des auteurs qui ont le plus mis en valeur l’efficacité des stratégies coopératives.

À l’appui de ses observations et recherches, Axelrod a proposé en 1979 un tournoi de logiciels de stratégies, en se basant sur le fameux dilemme du prisonnier, dont voici grossièrement l’énoncé.

Deux voleurs comparaissent devant le juge d’instruction pour un holdup (sans preuve tangible) avec vol de voiture (prouvé en revanche). Le juge isole chaque prévenu dans une cellule et met chacun des présumés coupables devant le choix suivant : « soit vous dénoncez votre complice et votre peine ne sera que de trois ans, tandis qu’il écopera de douze ans ; soit vous niez et je vous condamne pour les faits avérés – le vol de voiture – qui vous vaudra à chacun cinq ou six ans de prison ». Toute la spéculation consiste à savoir si les deux complices, qui n’ont pas la possibilité de se concerter, seront solidaires et se couvriront mutuellement, ou si l’un ou l’autre succombera à la tentation de réduire sa peine au détriment de l’autre.

Axelrod propose aux volontaires (dont ses collègues chercheurs dans différentes disciplines: mathématiques, psychologie) un jeu qui retourne la proposition. Il s’agit de choisir entre maximiser son gain en faisant « cavalier seul » au détriment de l’autre joueur, gagner une somme moyenne si les choix de gain moyen mutuels sont privilégiés par les deux joueurs, ou perdre une somme si on est le seul à miser sur l’option « gagnant/gagnant ».

Or contre les stratégies plus agressives, c’est le programme simple appelé « donnant-donnant » qui se révèle le plus efficient sur le long terme. Axelrod prouve ainsi que les stratégies les plus efficaces sont les stratégies coopératives, basées sur la construction d’un gain mutuel.

Il compare ce résultat aux travaux sur les guerres de tranchées de 14-18 et plus précisément aux récits des actes de fraternisation entre soldats des deux camps ennemis. Ces histoires édifiantes, illustrées un peu naïvement par le film récent Joyeux Noël montrent que même entre combattants, les groupes humains s’arrangent pour survivre et laisser vivre à travers un principe simple, celui de la réciprocité. Les témoignages rapportent qu’un camp commençait à tirer à heure fixe des obus au-dessus de la tranchée adverse pour signaler à l’ennemi qu’il était possible de sortir de la tranchée, ou de vaquer plus tranquillement aux tâches essentielles. Ce genre d’initiative ne débouchait sur un accord que si l’autre camp appliquait la réciprocité et donnait en retour des signes identiques de trêve. Ces « coopérations », pour « vivre et laisser vivre » furent cependant vite découvertes par les états-majors qui sanctionnèrent ces « actes de trahisons » et redonnèrent son caractère sanglant et dévastateur au conflit en jetant les troupes les unes contre les autres.

Axelrod observe également les pratiques dans un autre champ, le champ politique et à travers le combat normalement moins violent entre élus républicains et démocrates. Là encore, il constate que les politiques qui font les carrières les plus longues et les plus intéressantes sont ceux qui savent « renvoyer l’ascenseur », quel que soit leur parti. Ils durent en étant capables de jouer donnant-donnant, y compris avec leurs « adversaires ».

Maintes fois cité et repris, le travail considérable d’Axelrod a l’intérêt majeur de montrer que les règles pour coopérer autour d’un projet, quelle que soit sa nature, sont simples sur le plan théorique. Elles tiennent en quelques mots :

La bienveillance ou confiance a priori : avoir l’intention de faire gagner l’autre et croire qu’il peut partager la même aspiration peut déclencher la coopération. Ce geste généreux au départ est un signe qui permet à l’autre de comprendre qu’on peut gagner ensemble. Cette confiance est au cœur du démarrage d’un projet coopératif.

La réciprocité: la coopération se construit si l’autre joue la réciprocité dans l’échange et vous permet également de gagner. Axelrod confirme en cela les analyses de Marcel Mauss sur la théorie du don, et l’importance pour chacun d’être à la fois en situation de donner, de recevoir et de rendre.

La susceptibilité : dans certains groupes, la coopération ne peut se poursuivre car l’un des membres ne joue pas le jeu et cherche à gagner seul sans renvoyer à la collectivité les éléments qui permettent à tous de gagner. Il est alors de la responsabilité de chaque membre du groupe de lui faire savoir son désaccord. Le rôle de la sanction est ainsi important dans les coopératives. Être susceptible (vigilant), c’est être capable, si nécessaire par la sanction, de rappeler la nécessité de la réciprocité des échanges.

La tolérance : une fois les règles éclaircies, et d’éventuels écarts régulés, il faut également être capable de redonner sa confiance sans garder de rancœur. C’est la notion de pardon, soulignée avant Axelrod par un autre chercheur et théoricien des comportements coopératifs, le philosophe et psychologue Anatole Rapaport. Sans cette capacité de pardon, impossible de redonner une chance à la coopération de s’établir à nouveau.

Dans certains groupes ou entreprises, la coopération peut être justement difficile car la défiance est installée. Les échanges ne sont pas réciproques, mais déséquilibrés et l’intolérance ou l’esprit de revanche prolongent les conflits et condamnent donc le redéploiement de stratégies « gagnant/gagnant ».

Axelrod apporte donc un éclairage puissant et moderne sur les stratégies de coopération, en soulignant leur efficience en absence même de toute préoccupation ou jugements moraux. Si le mot « éthique » revient souvent dans les entreprises, y compris les coopératives, le choix de la coopération peut être d’abord un choix rationnel d’efficacité, par lequel l’intérêt individuel comme l’intérêt collectif trouvent leur compte.

Mais Axelrod va plus loin et précise au-delà des règles de stratégie et de comportement, les conditions nécessaires à l’établissement de la coopération, ainsi que les facteurs qui en signent la perte.

Une condition essentielle de la coopération est inscrite dans les statuts des coopératives : la préoccupation du long terme. Le court terme est défavorable à la coopération et à l’équilibre des échanges. Les tournois de logiciels organisés par Axelrod le montrent clairement. L’indétermination de la durée des échanges est essentielle. Pour que la coopération se développe et se maintienne, il ne faut pas savoir combien de temps elle durera. Si l’on sait que la partie va finir, ou que l’on prédit la fin du partenaire, la défection ou la trahison représentent alors les comportements d’optimisation de ses propres gains. Cela rejoint l’expérience de certains territoires : pour qu’un territoire se développe, il faut que les acteurs aient envie d’y rester et non pas de faire des « coups » comme on le voit dans le cas d’entreprises qui s’implantent, prennent des subventions et repartent très vite.

De même, alors que la plupart des acteurs économiques (fournisseurs, clients, banquiers ) ont généralement intérêt à soutenir une entreprise en difficulté, si l’un d’entre eux est convaincu que l’entreprise est condamnée, il retirera son soutien pour limiter sa perte potentielle, et ce retrait contribuera à la réalisation de sa funeste prévision.

Dans d’autres situations de fin prévisible de la relation, vente de l’entreprise, départ à la retraite, contrat à durée déterminée, voire même divorce, les observations de logiques d’optimisation personnelle prenant brutalement le pas sur une expérience parfois exemplaire de coopération sont fréquentes.

Cependant, un dernier point est encore noté par Axelrod, qui rend difficile la concrétisation de la coopération : le désir d’asseoir sa renommée, ou la tentation de prouver qu’on est le « plus malin » condamnent toute tentative de développement coopératif.

Lorsque l’envie de se distinguer supplante la seule recherche de l’optimisation de ses gains (qui consiste à réussir individuellement et collectivement), la coopération devient impossible. Or cette tentation du « tout à l’ego » pour reprendre une expression du psychothérapeute Alain Delourme semble fréquente et pour certains même indissociable de la nature humaine.

Après avoir rendu lisibles les règles de la coopération et souligné leur puissance Axelrod nous livre donc également les clefs de ce qui met fin à la coopération. Anticiper la fin de l’échange avec le partenaire, jouer du court terme au lieu du long terme, vouloir se montrer le plus malin, sont autant de manières de disqualifier une façon pourtant efficace de travailler avec les autres, jusqu’à parfois en nier la possibilité.

Pourtant dans l’actualité économique récente, le montage de logiciels libres « open source », à la suite du remarquable système « LINUX », montre à nouveau l’efficacité du système coopératif. Dans ce modèle de développement, le cercle de producteurs n’est pas restreint, ni même fini, mais s’appuie sur la capa- cité d’un grand nombre de personnes à contribuer en réseau au même projet. Cela ne fonctionne que si les règles coopératives, confiance, réciprocité, régulation, tolérance sont appliquées par l’ensemble des contri- buteurs.

 

Johannes Partanen (TIIMIAKATEMIA)

Les entrepreneurs en équipe de Jyväskylä

Johannes Partanen, professeur de marketing, afficha il y a dix-sept ans sur les murs de l’université polytechnique de Juväskylä (à 300 km au nord d’Helsinki) la petite annonce suivante « qui veut faire le tour du monde et apprendre un peu de marketing au passage ? ». Avec les vingt-quatre premiers étudiants ayant répondu à cette annonce, lassés comme lui des cours magistraux, il allait fonder l’une des écoles les plus innovantes et les plus performantes pour apprendre à entreprendre.

Les principes pédagogiques de l’école « TIIMIA- KATEMIA » diffèrent radicalement de ceux de l’enseignement supérieur classique.

Chaque année, les étudiants qui s’engagent pour ce parcours de trois ans et demi commencent par se regrouper en équipe de 15 à 20 personnes.

Chaque équipe crée une vraie coopérative. Cette entreprise commune va être au cœur de leur apprentissage.

C’est en effet en développant de vrais projets, de vraies offres en direction des entreprises, que les jeunes étudiants entrepreneurs vont apprendre par l’action et en équipe. Plus de professeurs donc, au sens habituel du terme, mais quelques « coachs », qui vont accompagner les équipes, favoriser le processus d’apprentissage pour que chacun puisse optimiser ses capacités à apprendre par lui-même, dans son équipe, avec ses clients, et avec tous les partenaires du réseau qui s’est peu à peu constitué autour de cette école d’un nouveau genre.

Enfin, l’argent gagné à travers la coopérative va financer à la fin du parcours un voyage collectif autour du monde, à la fois finalité partagée et motivante pendant trois ans et demi, temps forts d’apprentissage collectif en lui-même et aussi rite de passage marquant la fin du contrat liant chacun à l’équipe.

Parmi les principaux outils pédagogiques, notons l’importance de trois d’entre eux :

-        le contrat d’apprentissage individuel permet à chacun de définir d’où il part, où il veut aller, et les moyens qu’il envisage pour y arriver.

- l’animation de temps très réguliers d’échange en équipe, pour construire collectivement des projets de plus en plus ambitieux, mais aussi faire systématiquement émerger les compétences qui ont été acquises par l’expérience, dans les succès comme dans les échecs.

- l’accès à une bibliographie composée d’une sélection des meilleurs ouvrages de marketing, de stratégie permettant à chaque étudiant entrepreneur d’aller chercher les théories les plus adaptées et les témoignages les plus inspirants, non pas pour cumuler les savoirs théoriques, mais pour progresser concrètement dans l’efficience de son action.

Le site Internet de TIIMIAKATEMIA, ainsi que le livre édité en anglais en 2004, The Team Academy, a true story of a community that learns by doing, permettent de mieux appréhender toute la richesse de cette expérience et de mieux comprendre l’enthousiasme qu’elle suscite.

Plusieurs séjours en Finlande et de nombreuses rencontres avec les membres du réseau européen créé à l’initiative de Johannes Partanen et des principaux animateurs de TIIMIAKATEMIA, m’ont permis également d’analyser quelques éléments-clés du succès de cette initiative.

Tout d’abord, de nombreuses personnes, et ceci dès leur plus jeune âge, ont besoin de faire pour apprendre. Il est difficile pour eux d’accepter un système scolaire, où il s’agit de cumuler un large savoir théorique, avant de pouvoir ou d’être autorisé à agir.

On retrouve là une caractéristique attribuée déjà par le philosophe Alain aux coopérateurs (dans le beau texte « Trois propos sur la coopération » publié au début des années soixante). Ce qui caractérise le coopérateur, c’est de ne pas dissocier l’action et la réflexion. « Le coopérateur va jusqu’au bout de ses idées, c’est-à-dire jusqu’à l’action. »

Ensuite, TIIMIAKATEMIA démontre à nouveau l’efficience de l’apprentissage mutuel. Un des mots d’ordre de Johannes Partanen est ainsi : « on apprend mieux et plus vite en équipe ».

Cette efficacité est reconnue aujourd’hui par les prix d’excellence que TIIMIAKATEMIA a reçus pour sa formation en marketing, puis sa reconnaissance comme meilleure unité d’enseignement de l’entrepreneuriat en Finlande. Mais au-delà d’une reconnaissance académique et institutionnelle, l’école finlandaise « produit » des jeunes managers d’une maturité et d’un dynamisme impressionnants. Parmi les dernières promotions, près de 40% créent leur entreprise à l’issue de leur parcours à TIIMIKATEMIA, et leurs camarades sont rapidement embauchés, principalement dans les entreprises « clientes » avec lesquelles ils ont déjà eu l’occasion de travailler en situation réelle.

Cette qualité pédagogique, cette capacité d’innovation et ces résultats ont permis à TIIMIAKATEMIA d’être repérée par de nombreux chercheurs et spécialistes du management, dont Peter Senge du MIT, un des fondateurs du réseau international des organisations apprenantes (SOL).

Dans cette dynamique, les Finlandais ont souhaité transmettre leurs compétences et former de nouveaux « coachs d’équipes » au niveau européen. Ainsi se sont créées à Amsterdam, à Bilbao, à Paris, à Angers, à Mondragón, de nouvelles écoles inspirées de TIIMIA- KATEMIA.

« L’état d’esprit » commun à ces différentes initiatives tient à la compréhension de valeurs et de critères d’efficience qui rejoignent les fondamentaux coopératifs et que l’expérience de TIIMIAKATEMIA incarne avec force et cohérence.

Entreprendre, c’est en quelque sorte vouloir changer le monde, ne pas seulement répondre aux attentes telles qu’elles sont exprimées, mais innover ensemble pour améliorer les conditions de vie du plus grand nombre.

La prise de risque et l’initiative sont indispensables à l’innovation, mais elles sont d’autant plus supportables et constructives que ceux qui les portent se situent au sein d’une communauté solidaire.

La responsabilité à laquelle de nombreux adultes exhortent tant les jeunes est l’autre face de la liberté. Sans espace de liberté réel (donc de capacité à oser au risque de se tromper), pas de vraie responsabilité.

Enfin, il n’y a pas d’incompatibilité entre la réussite individuelle et la réussite collective, la puissance du groupe et l’émergence d’un leadership juste.

« Les équipes fortes font des leaders forts. »

Avec TIIMIAKATEMIA, la coopération a trouvé une application exemplaire, non pas finalité idéale ou idéologique, mais moyen concret, puissant de réussite à l’intersection entre le monde de l’enseignement et le monde de l’entreprise.

Au service d’une cause enthousiasmante – permettre aux entrepreneurs et managers de demain de se révéler –, les étudiants entrepreneurs et les coachs de TIIMIAKATEMIA développent une nouvelle vision et une nouvelle pratique du développement coopératif.

Je leur dois d’être enfin associé au sein d’une coopérative, TEAM ENTREPRENEUR, créée à Angers en 2009 pour offrir pour la première fois en France un parcours d’apprentissage très proche de celui inventé par Johannes Partanen.

Willy Chamming’s et Carl Rogers

Dynamique de groupe pour des coopérateurs sachant coopérer

La compréhension de la dynamique de groupe et une meilleure capacité d’analyse des comportements individuels et collectifs modifient notre perception des expériences coopératives, de ce qui les favorise et de ce qui les pénalise.

Pas de « psy » parmi les fondateurs des premiers statuts coopératifs (par ailleurs éminents juristes, philosophes, hommes politiques, ou chefs d’entreprises) et pour cause, le bon docteur Freud est né après la principale période de structuration des mouvements coopératifs. La multiplication de ses émules et la diffusion d’une « culture » psychologique reste un phénomène récent. Pourtant, si l’on considère les trente dernières années, c’est peut-être dans le domaine de la psychologie appliquée, de l’étude des comportements et des processus cognitifs que les progrès ont été les plus considérables dans les sciences humaines.

Ces disciplines représentent sans doute une voie d’investissement importante pour améliorer l’animation du travail coopératif, en comprenant mieux comment un groupe fonctionne « véritablement », au-delà de la volonté déclarée de ses membres de faire œuvre commune.

La contribution des travaux de l’école dite de Palo Alto en Californie, et entre autres de ceux du psychologue clinicien Carl Rogers, porte des éclairages précieux sur les interactions entre les individus et montre notamment l’importance de l’écoute et du dialogue dans le travail collectif. La méthode « Willy Chamming’s » appliquée à la formation des responsables d’entreprises par le CNOF depuis plus de 25 ans a permis en France à des milliers de cadres et dirigeants d’améliorer leur capacité d’écoute, d’animation des échanges au sein d’un groupe, de gestion de l’autorité et des délégations, des conflits et plus généralement des relations humaines dans l’entreprise.

Un savoir être, une accélération de la maturité, une capacité d’échanges fructueux par la parole, y sont développés grâce aux travaux du groupe en formation.

Une pédagogie active met en œuvre une expérimentation directe à l’intérieur même du groupe en formation et permet la compréhension et l’intégration vive de ce qui est enseigné.

Les animateurs enseignent ce qu’ils sont avant d’enseigner ce qu’ils savent, ils font ce qu’ils disent et disent ce qu’ils font. La pleine valeur de la personne est ainsi restituée.

Cette culture semble cependant encore insuffisamment développée dans les coopératives. Il peut être inquiétant de voir beaucoup d’entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire – ayant l’intuition qu’une autre relation au travail est possible –, ne pas investir suffisamment dans la formation et la connaissance de ces éléments pour les appliquer dans leur projet. Il existe un décalage fréquent entre la volonté ou l’intention de bien faire et la réalité de la production et de la qualité d’échange au sein d’un groupe.

Il faut reconnaître que certaines entreprise « dites classiques » ont davantage investi dans la connaissance de ce qui fait la dynamique d’un groupe, de ce qui encourage la qualité de sa production, et des compétences à maîtriser pour l’animer de façon efficiente. C’est sans doute un retard qu’il est important de combler pour mettre en accord les finalités et les intuitions coopératives avec les moyens concrets d’animation d’une réelle efficience du travail collectif, pour lequel les outils et les expériences sont largement disponibles.

La coopération nécessite de travailler au niveau d’un groupe opérationnel. Mais même lorsque la taille du groupe permet une qualité d’échange assez « spontanée » entre les individus, il faut aussi un minimum d’outils de communication et d’animation. Or, il m’est arrivé il y a quelques années de visiter des coopératives où il était impossible de trouver ne serait-ce qu’un tableau blanc et des feutres.

Il n’est pas possible ici de lister tous les principes à retenir pour améliorer l’efficience d’un travail collectif. Mais il est possible de souligner quelques-uns de ceux que l’observation des groupes, la pratique de l’animation et un peu de formation permettent de repérer.

Le premier élément est la nécessité d’un investissement affectif pour qu’un groupe se forme. Les sommes des intérêts individuels ou la volonté de réussir un projet ne suffisent pas. C’est en se dévoilant, en « mettant un peu de leurs tripes » dans le projet que les individus se reconnaissent et que le groupe se constitue. La création de l’entreprise coopérative représente souvent ce moment fort où les personnes ont été vraiment investies dans un désir de réussite, ont appris à se connaître dans des épreuves souvent épiques. Lorsque l’organisation coopérative a vieilli, les « nouveaux » se contentent parfois de venir s’ajouter au groupe des créateurs sans avoir l’occasion de partager des moments aussi intenses et essentiels pour la constitution d’une véritable « équipe ». C’est pourquoi l’accueil et l’intégration de nouveaux membres dans une équipe de travail doit être considérée comme un événement majeur. Il faut permettre au nouveau coopérateur de faire la découverte des autres et de se présenter de façon complète, avec ses projets, ses motivations, même ses peurs.

Dans tout groupe de travail, il semble également nécessaire que quelqu’un assure le rôle de coordonnateur pour que la production soit fructueuse. Sinon le collectif tourne assez rapidement en rond, généralement autour du plaisir de l’échange informel et dans la multiplication des idées.

Le risque dans le milieu coopératif est parfois de se retrouver avec une concentration « d’esprits rebelles » prompts à refuser par principe toute autorité. Cette disposition est d’ailleurs en lien avec leur engagement dans un projet coopératif ou dans l’économie sociale et solidaire. Or, il faudra reconnaître assez vite l’utilité de la délégation de pouvoir, et notamment de la délégation à une personne d’un rôle de synthèse, de coordination, d’animation, et donc d’une hiérarchisation des fonctions. L’expérience permet ensuite de savoir distinguer entre autorité juste et autorité injuste. Ainsi certains groupes finissent par trouver un bon équilibre en évitant de trop déléguer comme de ne pas déléguer assez. Dans le cas d’une délégation trop massive, le groupe perd tout contrôle et responsabilité sur la production et risque de surcharger le délégataire. Inversement la peur de déléguer ou de reconnaître un leadership, même partiel ou ponctuel, débouche parfois sur un syndrome de « réunionnite aiguë », sur une consommation excessive du temps collectif pour des décisions de faible importance.

Nous voyons ici que la distinction entre différents termes mérite une attention particulière. Certains coopérateurs sont très sensibles au vocabulaire touchant aux notions de « leader » ou de pilote, alors que d’autres utilisent sans état d’âme apparent ni connotation péjorative les mots de « chef », de « directeur » voire même de « patron ».

Pour notre part, précisons que le fonctionnement d’un groupe nécessite une place spécifique, celle de l’animateur – quel que soit le nom qu’on lui donne – sans forcément la confondre avec un rôle de direction ou de décision. Pour que le travail productif du groupe prenne forme, il faut un animateur qui synthétise, qui équilibre la parole entre les participants, qui rappelle l’objectif fixé pour éviter que le groupe ne dérive, et surtout pour conclure. L’animateur ponctue le temps pour que quelque chose soit disponible à un moment donné et puisse être connu par des personnes en dehors du groupe. Sans ce rôle d’autorité juste pour cadrer suffisamment les choses et permettre à un certain ordre de s’établir, le groupe ne peut donner forme à sa capacité de production. Il reste dans une immaturité stérile.

Il peut paraître logique que ce rôle spécifique soit assez régulièrement assuré par la même personne. Il peut même représenter la fonction du principal dirigeant élu d’une coopérative. Mais ce rôle peut aussi représenter une délégation ponctuelle, pour un projet, une réunion, et la maîtrise des techniques et aptitudes d’animation peut être partagée par tout ou partie des coopérateurs. Là encore les questions de pouvoir sont souvent proches des problèmes de communication, et l’approche psychologique est précieuse pour mieux lire les véritables enjeux qui traversent la vie d’une équipe.

L’analyse et le règlement « pacifique » des conflits pourraient également faire l’objet d’un développement spécifique. Notons simplement que le sujet est en lien avec le thème traité à la lettre S, au sujet de la violence. La gestion des situations tendues voire violentes nous renvoie généralement à nos propres peurs et une bonne connaissance de soi est utile pour mieux affronter ces moments difficiles. Il est aussi essentiel de comprendre « que l’on n’est pas responsable des autres », mais de sa relation aux autres. Les travaux autour de la « communication non violente » sont également en bonne congruence avec la recherche d’une animation coopérative.

Les principes coopératifs ne font sans doute qu’insister sur ce qui est utile à toute approche moderne du management. La capacité d’écoute de l’autre (cf. lettre Z), l’optimisation de la participation de chacun, une animation du dialogue et du travail collectif respectueuse de la personnalité de chaque participant.

Enfin, dans la logique même de l’esprit coopératif, chacun doit être capable de placer l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel, par choix de maturité délibéré et non par soumission, ce qui suppose que la personne soit parvenue à un très bon niveau de développement psychologique, et qui n’est pas si courant.

Comme le parcours de Carl Rogers le suggère, l’art subtil de l’animateur rejoint celui du psychologue et du pédagogue qui est de travailler à se rendre inutile et à permettre aux autres d’exprimer le meilleur d’eux-mêmes.

Si cette approche convient parfaitement à l’esprit de la coopération, elle reste comme un objectif idéal sur le long chemin des dirigeants de coopératives. »

 

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Published by Lucvieri - dans Livres - Presse
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